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Les moteurs à hydrogène et leur absence dans l’industrie automobile actuelle

Deux modèles. Pas trois, pas dix. Deux voitures particulières à hydrogène disponibles à la vente sur tout le marché européen en 2024. Derrière cette maigre offre, plus d’un siècle de brevets, de prototypes et de promesses jamais vraiment tenues. L’hydrogène, ce carburant du futur qu’on n’a jamais cessé d’annoncer, continue de jouer les figurants dans un secteur automobile qui, lui, accélère vers d’autres horizons. Les batteries électriques dominent, les motorisations alternatives se multiplient, mais l’hydrogène reste à la marge. La faute à qui ? À quoi ? Enquête sur une absence qui en dit long.

La technologie des moteurs à hydrogène intrigue autant qu’elle divise. L’hydrogène n’est pas une ressource qu’on extrait, mais une énergie qu’on fabrique, qu’on traite et qu’on transporte. Tout commence par sa production, qui définit sa couleur et son impact environnemental : « gris » lorsqu’il provient du gaz naturel en émettant du CO2, « bleu » si ce CO2 est en partie capté et stocké, « vert » quand l’électrolyse de l’eau est assurée par des énergies renouvelables. Les constructeurs espèrent s’appuyer sur ce dernier, même si son coût et sa disponibilité posent encore de sérieuses questions.

Dans un véhicule à hydrogène, tout repose sur la pile à combustible. L’hydrogène, comprimé à très haute pression (jusqu’à 700 bars), y réagit avec l’oxygène de l’air. Résultat : de l’électricité alimente un moteur électrique, et la seule chose qui s’échappe du pot d’échappement, c’est de la vapeur d’eau. Aucun rejet de CO2 en roulant, pas de particules fines à l’horizon.

Pour mieux cerner leurs atouts et faiblesses, voici les points marquants des voitures à hydrogène :

  • Autonomie qui dépasse aisément les 600 km sur certains modèles,
  • ravitaillement express : cinq minutes à la pompe suffisent,
  • aucun polluant rejeté sur la route, mais un prix d’achat et un coût au kilomètre qui restent élevés,
  • infrastructures de recharge quasiment inexistantes,
  • production d’hydrogène encore largement dépendante des énergies fossiles,
  • logistique de stockage et de transport qui complique tout.

Face à ces véhicules, les électriques à batterie se posent en rivales. Elles affichent un rendement énergétique nettement supérieur, frôlant les 80 %, là où la pile à combustible plafonne à 38 %, selon l’ingénieur Tom Baxter. Mais l’autonomie, la rapidité de la charge et la gestion des ressources comme le lithium ou le cobalt restent des défis bien réels. Sur le papier, l’hydrogène semble prêt, mais l’industrie ne suit pas. Faute de stations de recharge, de filière structurée et de production propre à grande échelle, la voiture à hydrogène ne décolle pas.

Pourquoi les voitures à hydrogène peinent-elles à s’imposer aujourd’hui ?

Le fantasme d’une route où circuleraient des centaines de milliers de voitures à hydrogène se heurte à des obstacles tenaces. Quelques pionniers tentent l’aventure, Toyota avec sa Mirai, Hyundai et son Nexo, BMW via l’IX5 Hydrogen, mais ces modèles restent ultra confidentiels. En France, on compte à peine quelques centaines de véhicules, et le réseau de ravitaillement se limite à une centaine de stations en 2023. À titre de comparaison, la Chine a déjà déployé plus de 540 stations pour 24 000 véhicules.

Le prix du carburant, autour de 12 euros le kilo (soit 10 à 12 euros pour cent kilomètres), pèse lourd dans la balance, surtout face aux électriques. L’hydrogène reste gourmand en énergie lors de sa production et dépend beaucoup du gaz naturel, ce qui alourdit son impact carbone. Selon Deloitte, une voiture à hydrogène émet entre 130 et 230 grammes de CO2 par kilomètre sur l’ensemble de son cycle de vie, une performance comparable à celle des électriques, et parfois inférieure à certains modèles thermiques récents.

Les constructeurs regardent désormais ailleurs, vers les utilitaires, les bus ou les poids lourds, où l’autonomie et la rapidité de recharge prennent tout leur sens. Stellantis, par exemple, parie sur les utilitaires légers mais a déjà ralenti le rythme, faute d’un marché prêt à basculer. La filière attend un déclic : plus d’infrastructures, des coûts en baisse, un hydrogène véritablement « vert ». Malgré des investissements colossaux venus de l’Europe et de l’État français, l’équation reste loin d’être résolue.

Jeune femme regardant des voitures dans un parking urbain

Progrès récents, défis à relever et perspectives pour l’industrie automobile

L’hydrogène n’a jamais autant fait parler de lui. Les plans France Relance et France 2030 ont débloqué neuf milliards d’euros, affichant une ambition : intégrer 30 % d’hydrogène vert au mix énergétique national d’ici 2028. Des entreprises comme Symbio, Inocel ou McPhy, soutenues par John Cockerill, s’organisent pour bâtir une filière nationale, de la production au stockage en passant par la pile à combustible. Michelin et Faurecia, réunis sous la bannière de Symbio, avancent main dans la main, tandis que Safra, spécialiste du bus à hydrogène, passe sous pavillon chinois avec Wanrun.

Mais la route reste semée d’embûches. Les principaux défis du secteur automobile hydrogène peuvent se résumer ainsi :

  • Un coût de production du kilo d’hydrogène vert encore trop élevé,
  • des infrastructures de stockage et de distribution très insuffisantes,
  • une dépendance persistante à l’hydrogène gris, issu du gaz naturel, qui plombe le bilan environnemental.

La technologie avance, mais la rentabilité industrielle n’est toujours pas au rendez-vous pour la voiture de Monsieur Tout-le-Monde. La pile à combustible plafonne à 38 % de rendement, loin derrière la batterie lithium et ses 80 %.

Les perspectives, elles, s’élargissent surtout dans le transport lourd. Volvo, Scania, Man ou Freightliner accélèrent sur les camions à hydrogène, tandis qu’Airbus, Rolls-Royce et Boeing misent sur l’avion propre. Même la course automobile prépare sa révolution : la FIA planche sur l’arrivée de moteurs à hydrogène en F1, et les 24 Heures du Mans accueilleront bientôt des prototypes zéro émission. Tout reste à jouer : la transformation du secteur dépendra de la capacité à produire massivement de l’hydrogène renouvelable et à déployer, enfin, un réseau de ravitaillement à la hauteur des ambitions. Reste à voir si l’hydrogène saura sortir du statut d’éternel outsider pour s’inviter, un jour, dans nos trajets quotidiens.