Origines des inégalités sociales et économiques : une analyse historique
En 2022, l’écart salarial moyen entre les hommes et les femmes en France s’établit encore à 15,8 % selon l’INSEE, malgré un siècle de réformes et d’engagements politiques. Les lois sur l’égalité des droits, votées dès le XIXe siècle dans plusieurs pays européens, n’ont pas suffi à effacer les disparités économiques et sociales héritées de structures anciennes.
Derrière les chiffres, une histoire longue se dessine : les inégalités sociales et économiques ne surgissent pas par hasard. Elles s’inscrivent dans la durée, portées par des pratiques, des lois, des choix collectifs qui ont modelé les sociétés occidentales bien avant que les indicateurs modernes ne les quantifient. Malgré les efforts des politiques publiques, les écarts résistent, installés au cœur des dynamiques sociales et économiques.
Plan de l'article
Plonger dans l’histoire des inégalités, c’est remonter le fil de bouleversements majeurs et de continuités tenaces. L’industrialisation du XIXe siècle n’a pas seulement bouleversé l’économie, elle a redistribué le pouvoir et les richesses, sans effacer pour autant les hiérarchies issues de l’Ancien Régime. Propriété foncière, héritages, montée du capital industriel : autant de leviers qui ont façonné la répartition des revenus et du niveau de vie à travers l’Europe.
Les travaux de Thomas Piketty le montrent bien : à la Belle Époque, juste avant la Première Guerre mondiale, les inégalités atteignent des sommets. Une poignée de familles concentre la majorité du patrimoine en France et au Royaume-Uni. La fracture sociale est béante. Il faudra les bouleversements majeurs du XXe siècle, guerres, destructions, politiques de reconstruction, pour voir l’ordre établi vaciller et les écarts se réduire temporairement, une thèse également défendue par l’historien Walter Scheidel.
Pour mieux saisir ces évolutions, voici quelques repères historiques marquants :
- Avant la Seconde Guerre mondiale, les inégalités se transmettent d’une génération à l’autre, structurant durablement la société.
- Après 1945, l’écart se resserre dans les pays développés, sous l’effet de l’État providence et de la généralisation de l’éducation.
- À partir des années 1980, la mondialisation économique et la dérégulation des marchés participent à un nouveau creusement des écarts.
L’histoire des inégalités ne s’explique donc ni par un seul événement, ni par une cause unique. Patrimoine, revenus, politiques publiques, périodes de guerre ou de paix : tout s’entrelace et laisse des traces qui perdurent jusqu’à aujourd’hui.
Pourquoi les inégalités entre les sexes persistent-elles ? Facteurs explicatifs et conséquences actuelles
Les inégalités femmes-hommes traversent les siècles avec une constance déconcertante. Ni les révolutions politiques, ni les avancées du droit n’ont suffi à les effacer. Ce sont des habitudes, des normes enracinées, des structures économiques qui perpétuent la discrimination et creusent les écarts de revenus. Le droit de vote accordé tardivement, les barrières à l’éducation, la lente évolution des droits au travail et la force des modèles familiaux traditionnels ont jalonné la construction de ces inégalités sociales.
En 2024, la réalité est têtue : à poste égal, l’écart de salaire net dépasse encore 15 % selon l’Insee. Les explications ne se résument pas à des choix individuels. Elles renvoient à des mécanismes profonds, systémiques : parcelles professionnelles réservées, progression salariale freinée, temps partiel subi, patrimoine familial transmis de façon inégale. Tout cela entretient et aggrave les inégalités économiques et sociales entre les sexes.
Les éléments suivants mettent en lumière les principaux freins encore à l’œuvre :
- La discrimination à l’embauche ou dans l’accès à la promotion demeure attestée par de nombreuses études.
- L’accès au patrimoine familial reste inégal, malgré plusieurs vagues de réformes.
- Les modèles transmis à l’école ou dans la culture véhiculent des attentes différenciées selon le genre.
Et ces écarts ne s’arrêtent pas aux frontières. On retrouve des différences marquées selon les pays, qui traduisent la diversité des contextes nationaux. Rien n’est figé, mais chaque avancée rencontre son lot de résistances. La marche vers l’égalité femmes-hommes se heurte à des réalités multiples et persistantes.

Quelles avancées face aux inégalités ? Mesures, politiques et état des lieux en 2024
La lutte contre les inégalités économiques et sociales ne se limite pas à des vœux pieux. Depuis vingt ans, l’Union européenne mise sur la régulation fiscale, la redistribution via l’impôt, le soutien au logement social ou encore la revalorisation du SMIC. En France, les politiques redistributives réduisent l’écart de revenus, mais le patrimoine reste largement concentré. Les 10 % les plus aisés détiennent aujourd’hui près de la moitié des richesses du pays, selon l’Insee, une donnée qui en dit long sur la persistance des écarts.
D’autres leviers sont activés pour favoriser l’accès à la propriété et à l’enseignement supérieur, en particulier pour les classes moyennes. Les analyses de Céline Bessière et Sibylle Gollac mettent en avant un point clé : la transmission des richesses au sein des familles joue un rôle central dans la reproduction sociale. Les mesures pour l’égalité salariale ou contre la précarité produisent des avancées, mais elles peinent à inverser la tendance de fond. Les hauts revenus progressent plus rapidement que les bas salaires, et les écarts se creusent.
Pour mieux saisir les enjeux actuels, voici ce que révèlent les indicateurs les plus récents :
- La fiscalité sur les successions reste peu contraignante face à l’importance des transmissions de patrimoine.
- La classe moyenne subit la pression combinée de la stagnation des salaires et de la flambée des prix de l’immobilier.
- Les écarts de patrimoine pèsent davantage que les écarts de revenus dans la hiérarchie sociale actuelle.
L’Insee le rappelle : la France, tout comme d’autres pays développés, voit les inégalités de fortune se renforcer depuis la crise financière de 2008. Les sciences sociales et économiques invitent à réévaluer l’efficacité des politiques menées, alors que la concentration du capital s’accentue année après année, malgré les ajustements législatifs.
La question n’est plus de savoir si les inégalités sociales et économiques ont des racines profondes, mais jusqu’où elles peuvent encore façonner les sociétés à venir. Face à cette dynamique, chaque génération doit choisir : subir l’héritage ou tenter de le réécrire.